Le manganèse dans l’alimentation crue
On continue d’explorer les nutriments essentiels pour nos chats et comment supplémenter l’alimentation crue de nos chats si nécessaire. Dans cet article, on va parler du manganèse, ce que c’est, pourquoi c’est important et les sources principales de manganèse comme les moules ou la panse verte.
Qu’est ce que le manganèse ?
Le manganèse, comme l'iode, est un minéral (un élément non organique) et plus précisément un oligo-élément : il est présent dans le corps en très petite quantité. Pour vous donner une idée de cette quantité, le corps d’un chat de 4 kg contient environ 2.3 mg de manganèse.
Même s'il y a peu de manganèse dans le corps, celui-ci à plusieurs rôles importants. Le manganèse participe au développement des os et du cartilage ainsi qu’au métabolisme des lipides et des protéines.
On n'a jamais rapporté de carence en manganèse chez le chat. Néanmoins, cela ne veut pas dire que les chats ne peuvent pas être carencés en manganèse. Cela signifie qu’il n’y a pas eu d’études dans lesquelles des chats ont été délibérément nourris avec une alimentation déficiente en manganèse, ni de rapport de cas de carence en manganèse. En effet, rapporter un cas de déficience nutritionnelle est difficile, car les symptômes peuvent être confondus avec ceux de maladies plus communes. De plus, une carence peut mettre beaucoup de temps à apparaître, entre quelques mois et plusieurs années et pour trouver la carence il faut connaître précisément l’alimentation du chat pendant toute cette durée.
Malgré cela, les symptômes d’une carence en manganèse sont connus, grâce aux études faites sur d’autres espèces: malformations des os et des articulations ainsi que des problèmes reproductifs. Chez les nouveau-nés et les animaux en croissance, une carence en manganèse peut causer des retards de croissance et des pattes avant courbées et raccourcies. Chez l’adulte, cela peut causer des boiteries et des gonflement des articulations. Au niveau des problèmes reproductifs, on observe une augmentation des avortements et des morts-nés ainsi qu’un faible taux de naissance.
Puisque le manganèse est l'oligo-élément le moins toxique, l'excès en manganèse est peu préoccupant. Cependant, un cas d’intoxication au manganèse a été rapporté chez un chien qui avait mangé une quantité exorbitante de suppléments pour les articulations qui contient du manganèse. Le chien avait ingéré 538 fois sont besoin quotidien en manganèse ce qui entraina une défaillance héptique et l’euthanasie de l’animal.
Quels sont les besoins en manganèse de votre chat ?
Regardons quelles sont les quantités de manganèse dont nos chats ont besoin :
La recommandation du NRC est de 1.2 mg/1000 kcal d’alimentation équivalent à 4.8 mg par kg de matière sèche avec 4000 kcal/kg.
Cela signifie qu’un chat moyen de 4 kg aura besoin de 0.3 mg de manganèse par jour.
Cette recommandation est basée sur une étude portant sur une alimentation purifiée adaptée ensuite avec une marge de sécurité pour tenir compte de la biodisponibilité d’une alimentation standard.
Le maximum nutritionnel défini légalement en Europe est de 42.5 mg/1000 kcal équivalent à 170 mg par kg de MS.
Où se trouve le manganèse ?
Le manganèse se trouve dans de nombreux ingrédients tels que les épices (gingembre, cannelle, clou de girofle), les moules, les légumes verts feuillus, le riz…
En revanche, la quantité de manganèse est faible dans la viande musculaire : elle se situe généralement autour de 0.08 mg/1000 kcal, et est donc bien inférieure au besoin du chat. Les organes comme le foie (~2 mg/1000 kcal), les rognons (~1.3 mg/1000 kcal) et les os ont des quantités plus élevées en manganèse. La panse verte est un autre produit animal particulièrement riche en manganèse avec 15 mg/1000 kcal.
Comme la viande est globalement faible en manganèse, les alimentations crues basées sur des ratios comme le Prey Model ou le BARF sont presque toujours déficientes en manganèse.
Dans la communauté cru, il est assez courant de dire que la fourrure, les plumes et la laine des proies sont riches en manganèse. Néanmoins, il semblerait que cette quantité de manganèse dépende fortement de l’alimentation de l’animal et donc ces ingrédients ne sont pas toujours riches en manganèse. De plus, étant donné la faible digestibilité des plumes et des poils, ce n’est vraiment pas sûr que le manganèse soit biodisponible. Je ne recommande donc pas de compter sur les plumes et la fourrure pour combler le besoin en manganèse de vos chats.
Comment supplémenter l’alimentation en manganèse ?
La meilleure façon d’ajouter du manganèse à l’alimentation est souvent d’utiliser des moules : elles sont tellement riches en manganèse qu’une petite quantité est suffisante pour combler le besoin. Elles sont aussi pauvres en calorie et apportent aussi des acides gras oméga-3. Faites bien attention à donner des moules bleues (ou moules commune) et non pas des moules vertes (ou moules de Nouvelle-Zélande) qui contiennent moins de manganèse.
Il est recommandé de les donner cuites, vous pouvez facilement les trouver déjà cuites à la vapeur puis congelées sans coquilles ce qui les rend très pratiques à utiliser. Vous trouverez un calculateur à la fin de cet article pour déterminer la quantité nécessaire pour votre chat.
Une alternative aux moules est la panse verte (si vous pouvez en trouver et si votre chat aime le goût) : c’est aussi très riche en manganèse.
Bien que les légumes feuillus, le riz et les légumineuses contiennent du manganèse, la quantité nécessaire de ces ingrédients est souvent trop grande pour combler le besoin en manganèse. Il est aussi fort probable que la biodisponibilité du manganèse dans les produits végétaux est plus faible que dans les produits animaux. Donc bien que vous puissiez utiliser ces ingrédients, je ne les recommanderais pas particulièrement.
De même, ce n’est pas une bonne idée d’utiliser des épices comme le gingembre ou la cannelle, car la biodisponibilité est discutable et ces ingrédients risquent de causer des problèmes gastriques sans même parler du goût.
Si vous ne pouvez pas trouver de moules ou de panses vertes, le mieux est d’utiliser un supplément en manganèse. Je vous recommande d’utiliser du manganèse chélaté comme celui de la marque Solgar qui a une meilleure biodisponibilité. Puisque ces suppléments sont formulés pour les humains, ils sont souvent très concentrés et vous aurez donc besoin d’une gélule ou moins pour un mois.
Selon mon expérience personnelle, vous pouvez considérer que la viande, les organes et les os charnus combleront environ 30% du besoin en manganèse du chat. Vous aurez donc besoin d’un supplément pour les 70% restants.
Comment les chats trouvent-ils du manganèse dans la nature ?
Une fois de plus, lorsque que l’on regarde les données nutritionnelles sur les proies entières domestiques, les quantités de manganèse qu’elles contiennent excèdent les recommandations pour des proies adultes. Même pour des proies juvéniles, bien qu’elles contiennent moins de manganèse que les recommandations, elles en contiennent quand même plus que la viande. On sait que les valeurs nutritionnelles des proies sauvages et domestiques sont différentes mais il est très probable que l’alimentation des chats sauvages contient assez de manganèse par rapport au besoin nutritionnel recommandé, contrairement aux chats domestiques.
Pour résumer, le manganèse est un oligo-élément souvent manquant dans l’alimentation crue. Comme la vitamine E, ce nutriment est présent en plus grosse quantité dans les proies que dans la viande commerciale. Je recommande d’ajouter des moules, de la panse verte ou un supplément en manganèse à l’alimentation de votre chat parce que le manganèse est important pour le bon fonctionnement des articulations.
Calculateur de complément
Ce calculateur se base sur la formule du poids métabolique : le besoin recommandé est de 0.119mg par kg/BW^0.67 équivalent à 1.2mg pour 1000kcal.
La teneur en manganèse des moules cuites est de 6.8mg/100g (USDA).
Manganèse dans la viande crue, les organes, les proies entières et divers ingrédients
mg de manganèse / 100g | mg de manganèse / 1000kcal | |
---|---|---|
Découpe | ||
Blanc de poulet | 0.01 | 0.08 |
Blanc de poulet avec peau | 0.02 | 0.12 |
Paleron de boeuf | 0.01 | 0.08 |
Boeuf haché 10% mg | 0.01 | 0.06 |
Boeuf haché 20% mg | 0.01 | 0.04 |
Poitrine de boeuf | 0.01 | 0.04 |
Épaule d'agneau | 0.02 | 0.08 |
Jarret de porc | 0.02 | 0.10 |
Cuisse de dinde avec peau | 0.01 | 0.06 |
Épaule de veau | 0.03 | 0.24 |
Cerf | 0.04 | 0.33 |
Organe | ||
Foie de boeuf | 0.31 | 2.30 |
Foie de poulet | 0.26 | 2.18 |
Rognon de boeuf | 0.14 | 1.41 |
Rognon d'agneau | 0.12 | 1.24 |
Coeur de poulet | 0.09 | 0.59 |
Coeur de dinde | 0.10 | 0.71 |
Rate de boeuf | 0.07 | 0.67 |
Proie entière | ||
Souris, néonatale <3g | 0.00 | 0.04 |
Souris, juvénile 3-10g | 0.24 | 1.97 |
Souris, adulte > 10g | 0.25 | 1.47 |
Cochon d'inde, 10 semaines | 0.21 | 0.94 |
Rat, néonatal < 10g | 0.13 | 1.17 |
Rat, adulte < 50g | 0.37 | 1.73 |
Caille, japonaise | 0.22 | 0.94 |
Lapin mort-né | 0.06 | 0.51 |
Lapin 30 à 45j | 0.92 | 6.49 |
Lapin <65j dépecé | 0.24 | 1.43 |
Ingrédient riche en manganèse pour référence | ||
Gingembre, poudre | 33.30 | 99.40 |
Germe de blé | 17.00 | 45.33 |
Moule, cuite | 6.80 | 39.53 |
Panse verte | 2.57 | 15.30 |
Spiruline | 1.90 | 6.55 |
Épinard, bouilli | 0.90 | 39.00 |
Chou kale, bouilli | 0.54 | 15.00 |
Lentilles, bouillies | 0.44 | 3.46 |
Riz blanc, cuit | 0.35 | 2.85 |
Sources
[1] Linda P. Case et al. 2015. Canine and Feline Nutrition.
[2] National Research Council. 2006. Nutrient Requirements of Dogs and Cats. Washington, DC: The National Academies Press.
[3] Thatcher, Craig & Hand, M.S. & Remillard, Rebecca. (2010). Small animal clinical nutrition.
[4] Trace Elements in Human and Animal Nutrition, volume 1, 5th edition, 1986, Walter Mertz.
[5] Borchers, A., Epstein, S. E., Gindiciosi, B., Cartoceti, A., & Puschner, B. (2014). Acute enteral manganese intoxication with hepatic failure due to ingestion of a joint supplement overdose. Journal of veterinary diagnostic investigation : official publication of the American Association of Veterinary Laboratory Diagnosticians, Inc, 26(5), 658–663.
[6] Kerr, K. R., Kappen, K. L., Garner, L. M., & Swanson, K. S. (2014). Commercially available avian and mammalian whole prey diet items targeted for consumption by managed exotic and domestic pet felines: macronutrient, mineral, and long-chain fatty acid composition. Zoo biology, 33(4), 327–335.
[7] Dierenfeld, Ellen & Alcorn, Heather & Jacobsen, Krista. (2002). Nutrient Composition of Whole Vertebrate Prey (Excluding Fish) Fed in Zoos. 7994.