Le fer dans l’alimentation crue du chat
Dans l’article “une journée dans l’assiette de mes chats”, je vous ai montré un exemple de trois repas que mangent mes chats, et j’ai mentionné que j’ajoutais du fer dans leur alimentation. Aujourd’hui je vais parler plus en détail du fer puisque c’est un oligo-élément essentiel pour le chat. Dans cet article, je vous explique ce qu’est le fer, quels sont les besoins en fer de votre chat, dans quel aliment on en trouve et bien plus encore.
Qu’est-ce-que le fer et quels sont ses rôles ?
Le fer est un minéral (un élément non organique), et plus précisément un oligo-élément, c'est-à-dire qu'il est présent dans le corps en très petites quantités: généralement 0.005% du poids du corps.
Le fer est principalement un composant de la molécule de protéine hémoglobine, qui se trouve dans les globules rouges, ainsi que de la molécule de protéine myoglobine, qui se trouve dans les muscles. Les deux ont un rôle dans le transport de l’oxygène. Le fer est aussi le composant de plusieurs enzymes dans le corps qui sont importantes pour le métabolisme de l’énergie. [1][2]
Comme pour les humains, une carence en fer chez le chat cause une anémie, qui se manifeste par une léthargie, une perte de poids, des muqueuses pâles, ainsi que du sang dans les urines et les selles. Une carence en fer peut être causée par une perte de sang, cela est souvent due à une infestation de parasite suceur de sang comme les tiques ou les puces, ou encore à cause d’une blessure. Un poil rugueux ou une diminution de la croissance chez le chaton sont aussi des symptômes d’une carence en fer. [2][3]
Le fer comme les autres oligo-éléments peut être toxique lorsqu’il est donné en excès. Les symptômes d’un excès en fer sont une perte de poids, des dysfonctionnements hépatiques ou un excès de fer dans les organes.
Néanmoins, avant d’arriver à des teneurs toxiques en fer, une alimentation élevée en fer pourra avoir des conséquences négatives telles qu’une réduction de l’absorption du zinc et du cuivre. [2][3]
De quelle quantité de fer mon chat a besoin ?
La plupart des études sur le besoin en fer ont été faites pour des chatons. Les recommandations actuelles du NRC sont les suivantes:
Le besoin minimum est de 17 mg de fer pour 1000 kcal, ce qui est équivalent à 70 mg de fer par kg de matière sèche (MS) pour une alimentation à 4000 kcal/kg. Le besoin minimum a été établi en se basant sur des alimentations purifiées, qui ne contiennent aucun élément qui pourrait réduire l’absorption du fer.
La quantité recommandée est de 20 mg de fer pour 1000 kcal, ce qui est équivalent à 80 mg de fer par kg de MS. Cette recommandation prend en compte la biodisponibilité plus faible du fer dans les croquettes à cause de la présence d’anti-nutriments comme les fibres ou les phytates.
Puisque le besoin en fer du chat adulte n’a pas été étudié, il n’y a pas de besoin minimum de défini et la quantité recommandée est la même que pour les chatons.
Selon mon avis, on peut considérer que le besoin minimum défini pour les chatons est aussi applicable pour les adultes ayant une alimentation crue, car cette alimentation contient des sources de fer hautement biodisponible et peu d’anti-nutriment. [2][4]
Il n’y a pas de maximum nutritionnel, parce qu’il n’y a pas assez de recherche à ce sujet. Néanmoins, il y a un maximum légal défini par l’Union Européenne pour l’alimentation industrielle de 681 mg de fer par kg de MS, équivalent à 170 mg pour 1000 kcal. [2][5]
Où trouve-t-on le fer ?
Le fer se trouve dans de nombreux aliments comme la viande et les organes, mais aussi dans les végétaux tels que les légumineuses, les noix, les graines et les légumes feuilles.
Sans surprise, le fer se trouvant principalement dans les globules rouges, l’aliment le plus riche en fer est le sang, suivi par la rate, et par les organes comme le foie et les rognons. Vous trouverez un tableau à la fin de cet article, pour que vous puissiez comparer la teneur en fer de différents ingrédients.
Néanmoins il y a deux formes de fer: le fer héminique qui est une forme de fer lié à une protéine, l’hème, et le fer non héminique. Le fer héminique se trouve uniquement dans les produits d’origine animale, tandis que les végétaux contiennent exclusivement du fer non héminique. La viande contient généralement 60% de fer héminique mais ce nombre varie avec les types de viandes, les viandes rouges comme le boeuf ou le veau contiennent 80% de fer héminique tandis que la volaille n’en contient que 40%. [2][6][7]
Il y a beaucoup de variations dans l’absorption du fer qui peut aller de 10% à 100%. Le fer héminique est mieux absorbé que le fer non héminique.
De nombreux paramètres affectent l’absorption du fer non héminique. L’absorption est améliorée lorsque les réserves en fer du corps sont basses, lorsque l’alimentation est riche en fer, ou en présence de vitamine C. Au contraire, l’absorption est réduite en présence de quantité élevée de calcium, phosphore, zinc, cuivre ou encore d’anti-nutriments comme les fibres tel que le psyllium, l’acide phytique, les oxalates et les tannins.
En revanche, l’absorption du fer héminique est affectée uniquement par la quantité de calcium dans l’alimentation. [2][8][9][10]
Est-ce que vous devez supplémenter le fer dans l’alimentation crue ?
Même si la viande contient plus de fer que les végétaux, la quantité de fer dans la viande musculaire est inférieure au besoin du chat. La plupart des viandes contiennent entre 3 à 9 mg de fer pour 1000 kcal, et seulement quelques viandes rouges contiennent plus de 17 mg de fer pour 1000 kcal. Bien que les organes soient plus riches en fer que le muscle, si vous ne pouvez pas donner de la rate, le besoin en fer ne sera généralement pas rempli.
Certains pourraient argumenter que la biodisponibilité du fer dans la viande crue est élevée et qu’il n’est donc pas nécessaire de supplémenter en fer. Néanmoins, il n'y a rien qui le prouve dans la littérature scientifique. De plus, la quantité de fer dans les proies entières est presque toujours bien supérieure au besoin recommandé du chat, ce qui a du sens puisque les proies entières contiennent encore du sang et la rate. Tout cela explique pourquoi une alimentation crue, sans ces composants (sang et rate), qui ne sont pas présents dans l’alimentation Prey Model, sera carencée en fer. [11][12]
Exemple 1
Considérons une alimentation crue de type Prey Model de 120 g ce qui représente approximativement 3% du poids de Praline :
20 g de cou de poulet, 20 g de cœur de bœuf, 6 g de foie de bœuf, 6 g de rognon de porc, 12 g de maquereau et 56 g de blanc de poulet.
La quantité quotidienne recommandée de fer pour ma chatte Praline (3.7 kg) est de 4.8 mg, et le besoin minimum est de 4.08 mg.
Cette alimentation contient 2.25 mg de fer ce qui représente seulement 47% de la quantité recommandée de fer pour Praline. Si on considère le minimum, l’alimentation ne couvre que 55% du besoin. Dans ce cas, un supplément en fer sera nécessaire.
Exemple 2
Dans ce second exemple, prenons une autre alimentation Prey Model mais avec de la viande rouge:
27 g d’aile de poulet, 20 g de coeur d’agneau, 6 g de foie de poulet, 6 g de rognon d’agneau, 12 g de sardine et 49 g de boeuf type bourguignon.
L’alimentation contient 3.64 mg de fer ce qui représente 76% de la quantité recommandée de fer pour Praline, et 89% du minimum. Même avec la viande rouge, l’alimentation ne contient que les ¾ du besoin en fer de Praline.
Néanmoins, si on remplace les 6 g de rognon d’agneau par de la rate d’agneau, l’alimentation contiendra 5.77 mg de fer et le besoin sera couvert.
Comment supplémenter l’alimentation de votre chat ?
Comme nous l’avons vu, les aliments les plus riches en fer sont la rate et le sang. Si vous ne pouvez pas en trouver frais, une alternative est d’utiliser des versions déshydratées ou lyophilisées qui sont souvent plus faciles à trouver.
Si vous ne pouvez pas trouver ces aliments, la meilleure alternative est d’utiliser un supplément. Il faut faire attention lorsque vous donnez un supplément en fer, parce que l’excès peut être dangereux.
Tous les supplément en fer ne se valent pas en fonction de la forme du fer. Le fer chélaté (bisglycinate de fer), qui est du fer lié chimiquement à un acide aminé, a une meilleure absorption que les sels de fer comme l’ion ferreux (Fer(II), sulfate ferreux, fumarate ferreux…) qui est lui même mieux absorbé que l’ion ferrique (Fer(III)). Vous devez aussi faire attention à la quantité de fer dans les gélules que vous utilisez car cette quantité varie d’une marque à l’autre. Je recommande généralement d’utiliser les marques NOW Food ou Solgar. [2]
Enfin, certaines formes de fer ne devraient pas être utilisés comme suppléments car ils ne sont pas biodisponibles, c’est le cas de l’oxyde de fer et du carbonate de fer (l’oxyde de fer (E 172) est souvent utilisé dans les aliments industriels pour animaux de compagnie en tant que colorant pour donner une couleur rouge, jaune ou noir). [2]
Pour conclure, le fer est un oligo-élément important qui est souvent carencé dans l’alimentation crue, puisque les alimentations type Prey Model ne recrée pas parfaitement des proies (sans le sang et la rate). Je recommande d’ajouter du sang séché ou un supplément en fer chélaté pour compléter le besoin en fer de votre chat. Vous pouvez utiliser le calculateur plus bas pour déterminer quelle quantité vous devez ajouter à l’alimentation de votre chat.
Calculateur de complément
Ce calculateur se base sur le poids métabolique :
La quantité recommandé est de 1.98mg par kg/Poids^0.67 équivalent à 20mg pour 1000kcal.
Le besoin minimum est de 1.7mg par kg/Poids^0.67 équivalent à 17mg pour 1000kcal.
Le fer dans la viande crue, les organes et les proies entières
mg de fer / 100g | mg de fer / 1000kcal | |
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Découpes | ||
Blanc de poulet | 0.37 | 3.1 |
Blanc de poulet avec peau | 0.74 | 4.3 |
Paleron de boeuf | 2.12 | 16.6 |
Boeuf haché 10% mg | 2.24 | 12.7 |
Boeuf haché 20% mg | 1.94 | 7.6 |
Boeuf haché 30% mg | 1.64 | 4.9 |
Poitrine de boeuf | 1.69 | 6.3 |
Épaule d'agneau | 1.56 | 6.0 |
Filet de porc | 0.97 | 8.1 |
Jarret de porc | 0.69 | 3.6 |
Escalope de dinde | 0.76 | 6.7 |
Cuisse de dinde | 1.42 | 12.2 |
Cuisse de dinde avec peau | 0.77 | 4.8 |
Escalope de veau | 2.00 | 18.5 |
Épaule de veau | 1.16 | 9.4 |
Cerf | 3.40 | 28.3 |
Organes | ||
Sang de boeuf | 46.50 | 566.4 |
Sang de porc | 37.00 | 491.4 |
Foie de boeuf | 4.90 | 36.3 |
Foie de poulet | 8.99 | 75.5 |
Foie de canard | 30.53 | 224.5 |
Foie d'agneau | 7.37 | 53.0 |
Foie de porc | 23.30 | 173.9 |
Foie de lapin | 6.61 | 49.3 |
Foie de veau | 4.60 | 38.3 |
Rognon de boeuf | 4.60 | 46.5 |
Rognon d'agneau | 6.38 | 65.8 |
Coeur de boeuf | 4.31 | 38.5 |
Coeur de poulet | 5.96 | 39.0 |
Coeur de dinde | 3.70 | 26.4 |
Rate de boeuf | 44.55 | 424.3 |
Rate d'agneau | 41.89 | 414.8 |
Rate de porc | 22.32 | 223.2 |
Rate de veau | 9.32 | 95.1 |
Proies Entières | ||
Souris, néonatale <3g | 3.46 | 37.2 |
Souris, juvénile 3-10g | 2.80 | 23.1 |
Souris, adulte > 10g | 4.51 | 26.3 |
Rat, néonatal < 10g | 5.74 | 52.0 |
Rat, adulte > 50g | 5.02 | 23.2 |
Caille 1 à 3j | 1.93 | 12.7 |
Caille 21 à 40j | 2.76 | 18.0 |
Caille >60j | 4.47 | 25.6 |
Lapin mort-né | 9.38 | 78.1 |
Rabbit 30 à 45j | 5.03 | 35.3 |
Rabbit >65j dépecé | 5.87 | 34.6 |
Sources
[1] Linda P. Case et al. 2015. Canine and Feline Nutrition.
[2] National Research Council. 2006. Nutrient Requirements of Dogs and Cats. Washington, DC: The National Academies Press.
[3] Thatcher, Craig & Hand, M.S. & Remillard, Rebecca. (2010). Small animal clinical nutrition.
[4] Chausow, D G, and G L Czarnecki-Maulden. “Estimation of the dietary iron requirement for the weanling puppy and kitten.” The Journal of nutrition vol. 117,5 (1987): 928-32.
[5] FEDIAF (2021) Nutritional Guidelines for Complete and Complementary Pet Food for Cats and Dogs.
[6] Cross AJ, Harnly JM, Ferrucci LM, Risch A, Mayne ST, Sinha R. Developing a heme iron database for meats according to meat type, cooking method and doneness level. Food Nutr Sci. 2012 Jul 1;3(7):905-913.
[7] Lombardi-Boccia, Ginevra & Beatriz, Martinez & Aguzzi, Altero. (2002). Total Heme and Non‐heme Iron in Raw and Cooked Meats. Journal of Food Science. 67. 1738 - 1741.
[8] Baker, D H. “Comparative nutrition of cats and dogs.” Annual review of nutrition vol. 11 (1991): 239-63.
[9] Chausow, D. G., Czarnecki-Maulden, G. L. 1988. The relative bioavailability of plant and animal sources of iron to the cat and chick. Nutr. Res. 8:1041-50
[10] Fly, Alyce & Czarnecki-Maulden, Gail. (2000). Iron bioavailability from hemoglobin and hemin in chick, rat, cat, and dog: A comparative study. Nutrition Research - NUTR RES. 20. 237-248.
[11] Dierenfeld, Ellen & Alcorn, Heather & Jacobsen, Krista. (2002). Nutrient Composition of Whole Vertebrate Prey (Excluding Fish) Fed in Zoos. 7994.
[12] Kerr, K. R., Kappen, K. L., Garner, L. M., & Swanson, K. S. (2014). Commercially available avian and mammalian whole prey diet items targeted for consumption by managed exotic and domestic pet felines: macronutrient, mineral, and long-chain fatty acid composition. Zoo biology, 33(4), 327–335.
Sources pour le tableau
USDA
CIQUAL
Kerr, K. R., Kappen, K. L., Garner, L. M., & Swanson, K. S. (2014). Commercially available avian and mammalian whole prey diet items targeted for consumption by managed exotic and domestic pet felines: macronutrient, mineral, and long-chain fatty acid composition. Zoo biology, 33(4), 327–335.
Dierenfeld, Ellen & Alcorn, Heather & Jacobsen, Krista. (2002). Nutrient Composition of Whole Vertebrate Prey (Excluding Fish) Fed in Zoos. 7994.